Plumorama

Plumorama : Jean-Philippe Jaworski

 
Salut les dragonautes !

 

Nouvelle semaine de Plumorama et c’est avec une certaine pointe de fierté que nous vous annonçons que Jean-Philippe Jaworski ouvre le bal.

 

Merci à lui et à bientôt !

 


 

What about a dragon ?

 

Bonjour Jean-Philippe Jaworski !

 

On ne vous présente plus, mais je m’y risque quand même. Vous êtes le créateur du Vieux Royaume, décliné à travers de nombreux textes, romans et nouvelles, parmi lesquels Janua Vera et Gagner la guerre. Vous êtes également l’auteur des Rois du monde aux Moutons électriques, cycle actuellement en cours. Enfin, on vous connaît également pour votre travail sur le jeu de rôle. Vous êtes, sans nul doute, l’un des principaux représentants des littératures de l’imaginaire en France.

 

Merci donc d’avoir accepté de répondre à nos questions dans le cadre de ce panorama des plumes de l’imaginaire !

 

Première question, je sais qu’elle est fréquemment posée en salon : est-ce que vous vivez de votre plume ?

 

Jean-Philippe Jaworski

 

Je vis en partie de ma plume. Mon revenu le plus important reste mon salaire de professeur, mais je fais partie des 1700 auteurs répertoriés par l’AGESSA (l’organisme de sécurité sociale des auteurs) qui déclarent des revenus de plus de 7300 € par an. Mes droits varient beaucoup d’une année à l’autre, en fonction de la sortie de mes nouveaux livres en grand format ou en poche. En faisant une moyenne qui lisse ces disparités, mes publications m’ont rapporté un revenu un peu supérieur au SMIC ces trois dernières années.

 

WAAD

 

Avez-vous l’impression que c’est devenu plus dur ces dernières années ? Pour quelles raisons selon vous ?

 

Jean-Philippe Jaworski

 

Mes droits ont connu une érosion ces dernières années, mais cela est dû à plusieurs facteurs conjoncturels. Le calendrier de mes publications, comme je vous le disais, provoque des fluctuations dans mes revenus dans la mesure où je ne sors pas un livre par an.

 

WAAD

 

Récemment, on entend beaucoup parler du syndrome de l’imposteur. Pour résumer, il s’agit du sentiment d’illégitimité que peut avoir un artiste vis-à-vis de ses pairs et de son art lui-même. Est-ce que ça vous parle ?

 

Jean-Philippe Jaworski

 

Pas vraiment. Non que je me voie comme une référence ; j’ai simplement la chance d’avoir un public qui apprécie mes bouquins, ce qui ne l’empêche pas de se montrer critique à l’occasion. Sachant que j’écris pour l’agrément d’un certain nombre de lecteurs, je me sens légitime dans mon métier d’écrivain. Par ailleurs, cela ne m’empêche pas de douter de la qualité de ce que je produis. Je suis faillible : je commets des erreurs, je gauchis parfois (voire souvent) mon projet initial, bref ce que je fais n’est pas parfait. Mais je pense qu’il existe un pacte réel entre le public qui me fait l’amitié de me suivre et moi : cela suffit à justifier mon activité d’écrivain.

 

WAAD

 

Qu’est-ce que c’est un auteur pour vous ? Et qu’est-ce qu’il faut pour être professionnel ?

 

Jean-Philippe Jaworski

 

Au sens étymologique du terme, est auteur le créateur qui fait autorité ; c’est-à-dire le créateur qui, soit par l’étendue de son talent et la portée de son art, soit par le prestige ou l’influence dont il dispose, produit une œuvre qui n’est pas anecdotique. Il convient donc de dissocier le statut d’auteur de la profession d’auteur ; tous les auteurs sont loin d’être des professionnels, et certains écrivains professionnels ne sont pas à proprement parler des auteurs.

 

Je ne suis pas certain d’être capable de définir ce qu’il faut pour être professionnel. L’essentiel réside sans doute dans la discipline qui permet d’écrire régulièrement pour publier régulièrement… En revanche, je défends fermement l’idée que toute peine mérite salaire : il est légitime que l’écrivain qui publie puisse tirer un revenu décent de son œuvre.

 

WAAD

 

En ce moment, il y a en France, et un peu partout en Europe, un vrai mouvement de fond pour une meilleure reconnaissance de l’importance des auteurs dans le milieu du livre (pétition du SELF, développement de la Charte des auteurs jeunesse, etc.), est-ce que vous suivez ces mouvements / vous reconnaissez dans ces revendications / en êtes éloignés ?

 

Jean-Philippe Jaworski

 

Je me reconnais globalement dans ces revendications. Je trouve très sain l’émergence d’un collectif des auteurs.

 

WAAD

 

Est-ce que vous vivez certaines situations comme des injustices en tant qu’auteur ?

 

Jean-Philippe Jaworski

 

En effet. La modification du Code de la propriété intellectuelle du 1er mars 2012 qui a mis en place le projet ReLIRE et entériné l’opt-out en matière de droits d’auteurs était une spoliation pure et simple qui contrevenait à la Convention de Berne et à la Convention européenne des Droits de l’Homme ; ReLIRE a d’ailleurs été déclaré illégal par la Cour de Justice Européenne. Le plus consternant de cette affaire, c’est que cette modification du Code de la propriété intellectuelle a été préparée par le gouvernement Fillon et maintenue par le gouvernement Ayrault : le poids des lobbies éditoriaux qui l’ont encouragée a été suffisant pour que des gouvernements de droite comme de gauche portent unanimement atteinte à la propriété intellectuelle. Tout récemment, l’augmentation de la C.S.G. sur les droits d’auteurs, non compensée par la suppression de cotisation chômage puisque les auteurs n’ont pas droit à l’assurance chômage, est encore une mesure qui accentue la précarité financière des créateurs.

 

WAAD

 

Si on s’intéresse maintenant à l’écriture proprement dite, est-ce que vous suivez un processus d’écriture particulier quand vous créez ? Des horaires fixes, une cadence, quelque chose comme ça ?

 

Jean-Philippe Jaworski

 

Quand l’enseignement m’en laisse le loisir, j’écris tous les jours. C’est particulièrement vrai pendant les vacances scolaires. À certaines périodes, je préfère écrire le matin, à d’autres l’après-midi et en soirée ; au vrai, cela dépend moins de mon caprices que de mes contingences. Je me fixe un certain nombre de signes au quotidien et j’essaie de m’y tenir. La qualité étant importante à mes yeux, j’écris peu chaque jour, mais je m’efforce de soigner le style et les « petits faits vrais » qui vont donner une certaine texture à la fiction. Je passe également beaucoup de temps en recherches, avant et pendant la composition du livre ; cela m’amène à constituer des dossiers où je classe les informations utiles au développement du récit. Quand je me heurte à une difficulté narrative, une randonnée ou un jogging vont souvent me clarifier les idées et me donner la solution. La marche et la course font partie intégrante de mon processus créatif.

 

WAAD

 

Souvent on parle d’architectes, c’est-à-dire d’auteurs qui planifient leur roman de A à Z avant d’écrire, de jardiniers, qui laissent vivre leurs personnages, ou d’employés polyvalents (OK, celui-là est de moi), comment vous vous positionnez par rapport à cette question de la plus haute importance ?

 

Jean-Philippe Jaworski

 

Je suis un « employé polyvalent ». Il m’arrive d’être démiurge, ou simple témoin, ou secrétaire de mes personnages. La composition du livre varie en fonction de son sujet et de son horizon d’attente.

 

WAAD

 

Que vos univers soient inspirés de la Renaissance, des guerres de religion ou du monde celte, vous placez toujours l’humain au centre de votre création. C’est votre côté bigot ?

 

Jean-Philippe Jaworski

 

Ce serait plutôt mon côté humaniste. Mais un humanisme élisabéthain, plein de drame, de sang et de fureur !

 

WAAD

 

Plus sérieusement, votre dernière trilogie en cours, questionne beaucoup la notion de foi, déjà présente dans vos précédentes œuvres. Est-ce que le thème du destin vous fascine ?

 

Jean-Philippe Jaworski

 

Pas vraiment. J’ai plus d’inclination pour le hasard et son ironie, pour la fortune et ses caprices  – en tant que rôliste, je suis d’ailleurs très attaché au jeu avec dés ! Enfin, je crois surtout en la volonté de mes personnages. Certes, dans Gagner la Guerre, il arrive à Benvenuto d’écrire le mot « destin », mais il faut se méfier de ce que raconte le truand. Le destin est une justification commode dans le discours d’un criminel : cela permet de museler sa conscience à peu de frais. Dans le cycle Rois du Monde, il est moins question du destin que du sacré, et l’on n’y verra de la foi que si l’on adopte une lecture rationaliste du récit, qui ferait que Bellovèse raconte ce qu’il croit plutôt que ce qu’il vit. En fait, Bellovèse est un homme de peu de foi, car il n’a pas besoin de lutter contre le doute pour croire dans la surnature : il vit à son contact. Les deux lectures du cycle sont donc possibles, mais comme le merveilleux est normal dans l’univers du récit, Rois du Monde relève de la fantasy anthropologique plutôt que du fantastique.

 

WAAD

 

Pour terminer, et avant de vous remercier, avez-vous des choses à ajouter ou dont vous voudriez parler ? Le tome 3 de Chasse Royale est en cours ?

 

Jean-Philippe Jaworski

 

La suite de Chasse royale est en cours, en effet. À l’heure actuelle, elle compte un peu plus de 300.000 signes et mes héros celtes m’épuisent parce que l’énergie qu’ils déploient dans leur épopée met à rude épreuve le barde chargé de raconter leurs exploits. J’ai d’autres projets en cours actuellement, qui concernent l’adaptation ou la traduction de certains de mes titres, mais je ne peux pas encore être plus précis pour l’instant.

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