Plumorama

Plumorama : Emmanuel Quentin

Deuxième interview sur notre site de quelqu’un qu’on aime beaucoup ici : Emmanuel Quentin.

Merci à lui et à très vite !


What about a dragon ?

Bonjour Emmanuel Quentin !

Tu es l’auteur de Dormeurs et Où s’imposent les silences aux éditions Mû, des thrillers de l’imaginaire inventifs et enlevés.

Merci donc d’avoir accepté de répondre à nos questions dans le cadre de ce panorama des plumes de l’imaginaire !

Première question, je sais qu’elle est fréquemment posée en salon : est-ce que tu vis de ta plume ?

Emmanuel Quentin

Oulà non ! (On sent avec ce « oulà » combien on en est loin là, hein ? – On en est même à des parsecs !)

WAAD

Si non, est-ce que tu l’envisages ou l’as envisagé ? Est-ce que tu aimerais bien ? Parce que j’ai l’impression que la réponse à cette question altère beaucoup le rapport qu’un auteur peut avoir par rapport à ces thématiques.

Emmanuel Quentin

Alors je ne l’ai jamais envisagé. Jusqu’à présent, je n’étais même pas certain que j’aurais « aimé » ça. Je ne sais pas, je crois que j’avais peur que cela altère la nature même de ce que j’écris, que cela engendre une pression que je n’ai pas par ailleurs aujourd’hui. Mais mon point de vue sur la question a tout de même évolué depuis, notamment après avoir fini Où s’imposent les silences et commencé un nouveau roman. J’aimerais avoir plus de temps pour effectuer mes recherches, et me consacrer entièrement à la création d’histoires, plutôt que de profiter de maigres fenêtres de tirs propices à l’écriture. Alors en vivre, aujourd’hui, oui, j’aimerais.

WAAD

Récemment, on entend beaucoup parler du syndrome de l’imposteur. Pour résumer, il s’agit du sentiment d’illégitimité que peut avoir un artiste vis-à-vis de ses pairs et de son art lui-même. Est-ce que ça vous parle ?

Emmanuel Quentin

Complètement. C’est tout à fait personnel, cela tient peut-être à un manque de confiance, à un doute permanent et, même si je ne renie en rien mes deux livres et la satisfaction que je peux avoir de leur existence et du fait qu’ils aient été à la rencontre des lecteurs, je pense qu’il me faudra du temps pour me considérer comme un auteur… mais peut-être justement parce que je n’en vis pas et que c’est un travail qui occupe une maigre portion de l’ensemble de mes activités.

WAAD

Qu’est-ce que c’est un auteur pour vous ? Et qu’est-ce qu’il faut pour être professionnel ?

Emmanuel Quentin

Je vais faire simple. Un auteur, dans le domaine qui nous concerne, c’est quelqu’un qui écrit et dont les ouvrages ont rencontré les lecteurs. J’ai aperçu ici ou là des propos concernant les distinctions entre le statut d’écrivain, d’auteur, d’auteur amateur parce qu’auto-publiés mais je reste en marge de tout cela. A l’heure actuelle, je me focalise sur l’écriture elle-même et c’est tout. Les journées sont tellement remplies que je vais là où c’est nécessaire pour moi. Et pour être professionnel, il faudrait ne serait-ce que pouvoir vivre de ce que l’on écrit. J’avais dit que je ferai simple ^-^

WAAD

En ce moment, il y a un vrai mouvement de fond pour une meilleure reconnaissance de l’importance des auteurs dans le milieu du livre (pétition du SELF, développement de la Charte des auteurs jeunesse, etc.), est-ce que vous suivez ces mouvements / vous reconnaissez dans ces revendications / en êtes éloignés ? (par exemple parce que vous ne considérez pas l’écriture comme un revenu)

Emmanuel Quentin

Là aussi, je suis en marge. C’est sans doute un tort mais je n’ai vraiment pas le temps de m’impliquer dans tout ceci. La volonté de reconnaissance est effectivement essentielle, mais à mon niveau, c’est absolument impossible de m’impliquer. J’ai déjà l’impression de vivre trois journées en une !

WAAD

Est-ce que vous vivez certaines situations comme des injustices en tant qu’auteur ?

Emmanuel Quentin

Non. Je suis quelqu’un de très naïf, ou faussement naïf allez savoir, mais outre le fait d’écrire, je suis très heureux d’avoir pu aller à la rencontre des lecteurs et d’échanger avec eux sur des tas de sujets. A mon niveau (niveau ? Y’a-t-il une échelle de la valeur des auteurs ?), je considère le parcours effectué comme une chance.

WAAD

Si on s’intéresse maintenant à l’écriture proprement dite, est-ce que vous suivez un processus d’écriture particulier quand vous créez ? Des horaires fixes, une cadence, quelque chose comme ça ?

Emmanuel Quentin

Je suis un procrastinateur de première alors je n’ai aucun processus particulier si ce n’est celui de retarder le moment de me poser devant mon clavier pour écrire. Mais dès que les cinquante premières pages d’un bouquin sont écrites, je profite de tous les moments qui s’offrent pour m’y mettre. Et dans l’intervalle, mon cerveau n’arrête pas de mouliner.

WAAD

Souvent on parle d’architectes, c’est-à-dire d’auteurs qui planifient leur roman de A à Z avant d’écrire, de jardiniers, qui laissent vivre leurs personnages, ou d’employés polyvalents (OK, celui-là est de moi), comment vous vous positionnez par rapport à cette question de la plus haute importance ?

Emmanuel Quentin

J’ai déjà eu l’occasion de répondre à cette question, de la plus haute importance il est vrai. Pour ma part, je me considère comme un jarditecte (c’est mieux qu’un archinier – archiniais… oui j’ai une certaine tendance à faire des jeux de mots foireux mais je m’efforce de les gommer dans mes histoires, tout un travail…). Je ne fais aucun plan, je laisse vivre mes personnages, les laisse me guider, certains que je n’avais pas vraiment prévus prennent une importance considérable par la suite. Ce n’est qu’après avoir écrit que je consolide le tout, d’où le jarditecte.

WAAD

Votre dernier roman, Où s’imposent les silences, est construit sur une temporalité narrative particulière. Dans Dormeurs, l’opposition entre rêve et réalité était déjà au centre du récit. Est-ce que vous construisez vos romans de manière linéaire et les réagencez ensuite ou est-ce que vous avez déjà en tête ces spécificités quand vous démarrez l’écriture ?

Emmanuel Quentin

J’ai tendance à écrire de manière linéaire mais là encore, je peux très bien rajouter des chapitres ici où là quand il me semble qu’il manque des choses. Mais pour celui que je suis en train d’écrire, c’est un peu différent. La structure de l’histoire m’oblige à casser cette linéarité justement. Et c’est plutôt sympa à faire même si cela me change de mes habitudes (ce qui n’est pas un mal tout compte fait).

WAAD

Pour terminer, et avant de vous remercier, avez-vous des choses à ajouter ou dont vous voudriez parler ?

Emmanuel Quentin

Écrire des histoires, c’est quand même le pied, non ? Et merci pour ces questions.

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