Plumorama

Plumorama : Hervé Jubert

Salut les dragonautes !

Hervé Jubert a bien voulu répondre à nos questions dans le cadre du Plumorama, et c’est avec plaisir que nous vous partageons cet entretien !

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A très vite !

 


 

What about a dragon ?

 

Bonjour Hervé Jubert !

 

Vous êtes auteur de plusieurs séries qui ont peuplé notre imaginaire collectif durablement : les trilogies Morgenstern, Blanche, Beauregard… Très récemment, ce sont M.O.N.S.T.R.E, dont vous éditez l’intégrale, et Vagabonde qui vous ont occupé.

 

Merci donc d’avoir accepté de répondre à nos questions dans le cadre de ce panorama des plumes de l’imaginaire !

 

Première question, je sais qu’elle est fréquemment posée en salon : est-ce que vous vivez de votre plume ?

 

Hervé Jubert

 

J’ai réussi à en vivre durant une quinzaine d’années. Modestement, hein ? Je n’ai pas explosé les compteurs. Les choses sont devenues plus compliquées il y a quatre, cinq ans.

 

WAAD

 

Est-ce que vous avez l’impression que c’est devenu plus dur ces dernières années ? Pour quelles raisons selon vous ?

 

Hervé Jubert

 

Plus dur, oui. Moi et mes potes auteurs qui oeuvrons dans les domaines de la jeunesse et de l’imaginaire, un secteur qui se porte bien, a priori, on a pu constater que nos ventes avaient été divisées, par deux, trois, voire quatre. Une explication : les gens ont moins d’argent, donc ils achètent moins de livres. Par contre, les ventes de bouquins d’occasions, les inscriptions en médiathèques ont augmenté. D’après ce qu’on m’a dit. Donc, il n’y a pas moins de lecteurs. Ce qui est rassurant. Ce handicap a été amplifié par la réaction de certains éditeurs face à la crise. Quand j’ai commencé à publier il y a vingt ans, la plupart des éditeurs acceptaient le fait de perdre de l’argent ou de ne pas en gagner sur, mettons, sept livres sur dix. Le discours a complètement changé. Hormis certaines maisons encore indépendantes et qui savent prendre des risques (je pense à Actuf SF, notamment) les contrôleurs de gestion ont pris le pouvoir. Ils peuvent même renvoyer un directeur de collection dans les cordes, et lui expliquer que son coup de coeur n’est pas bankable. On veut du prémâché, du texte à la mode, du succès garanti. Bref, la cata.

 

WAAD

 

Récemment, on entend beaucoup parler du syndrome de l’imposteur. Pour résumer, il s’agit du sentiment d’illégitimité que peut avoir un artiste vis-à-vis de ses pairs et de son art lui-même. Est-ce que ça vous parle ?

 

Hervé Jubert

 

Aucunement. Je me suis engagé dans cette voie avec bonheur tout en sachant que ce serait dur. Je ne me vois pas comme un imposteur mais comme un artisan autodidacte qui a dû forger ses outils pour raconter ses histoires. C’est bizarre cette histoire d’imposteur… La première fois que j’en entends parler.

 

WAAD

 

Qu’est-ce que c’est un auteur pour vous ? Et qu’est-ce qu’il faut pour être professionnel ?

 

Hervé Jubert

 

Un auteur est quelqu’un qui écrit. Publié ou pas publié. Le passage au professionnel ? C’est toucher de l’argent pour ce qu’on a écrit. Faire qu’un éditeur prenne un risque financier pour que votre texte existe et soit diffusé. Sinon, que faut-il pour en arriver là ? Des dents sévèrement plantées dans les gencives. Ma devise : Mordre et tenir !

 

WAAD

 

En ce moment, il y a en France, et un peu partout en Europe, un vrai mouvement de fond pour une meilleure reconnaissance de l’importance des auteurs dans le milieu du livre (pétition du SELF, développement de la Charte des auteurs jeunesse, etc.), est-ce que vous suivez ces mouvements / vous reconnaissez dans ces revendications / en êtes éloignés ? Le fait d’avoir vécu de votre plume pendant un moment doit altérer votre réponse, j’imagine ?

 

Hervé Jubert

 

Il y a des plus et des moins dans la condition de l’auteur français. Dans les plus, je dirais : le prix unique du livre ; les aides (rencontres scolaires, bourses, soutiens divers et variés) ; les salons qui nous permettent de rencontrer les gens du milieu et d’avancer, mine de rien ; le système de l’à-valoir qui offre un minimum garanti. Dans les moins, certains trucs me crispent, évidemment. Le fait que les droits d’auteur en roman jeunesse, plafonnent à 7 pour cent alors qu’en adulte, la norme tourne autour de 10 (aucun éditeur jeunesse n’a encore réussi à me convaincre du bien-fondé de cette mesure), les droits numériques calqués sur les droits papiers. La place de l’auteur est essentielle. Pas d’auteurs, pas de bouquins. Mais nous sommes dans une situation très précaire.

 

WAAD

 

Est-ce que vous vivez certaines situations comme des injustices en tant qu’auteur ?

 

Hervé Jubert

 

Je ne parlerais pas d’injustice. Cela me mettrait en position de victime. Or, nous auteurs, sommes des acteurs autant que les éditeurs. A nous de défendre nos droits… et de rentrer dans le lard de certains indélicats, ou de faire connaître leurs méthodes peu scrupuleuses. Si on veut parler d’injustice, c’est plus par rapport aux lecteurs. Quand un éditeur m’annonce l’arrêt d’une série en sept tomes au numéro cinq (alors qu’elle se vend tranquillou) sans se soucier des lecteurs, des libraires, des bibliothécaires qui la suivent, je vois forcément rouge. Surtout quand ce même éditeur me demande dans la foulée une nouvelle série, histoire de voir. Délicatesse, donc…

 

WAAD

 

Si on s’intéresse maintenant à l’écriture proprement dite, est-ce que vous suivez un processus d’écriture particulier quand vous créez ? Des horaires fixes, une cadence, quelque chose comme ça ?

 

Hervé Jubert

 

Pour moi, il faut deux choses : temps et énergie. Si c’est bon de ce côté-là, et que le bouquin est prêt dans ma petite tête ; surtout si je sens bien les personnages, je me lance. Et je me laisse porter.

 

WAAD

 

Souvent on parle d’architectes, c’est-à-dire d’auteurs qui planifient leur roman de A à Z avant d’écrire, de jardiniers, qui laissent vivre leurs personnages, ou d’employés polyvalents (OK, celui-là est de moi), comment vous vous positionnez par rapport à cette question de la plus haute importance ?

 

Hervé Jubert

 

Employés polyvalents ? Très bien ! Quand j’ai commencé, j’étais plutôt architecte. Je planifiais tout. Au bout d’un certain temps, ça me bridait complètement. Comme je le disais plus haut, plus ça va plus je me laisse porter. Laisser les personnages dicter leur propre conduite, les voir aller à gauche alors qu’on pensait les envoyer à droite, c’est génial. Je reste quand même architecte dans le travail de préparation, ou de décor, ou de vocabulaire.

 

WAAD

 

Pour terminer, et avant de vous remercier, avez-vous des choses à ajouter ou dont vous voudriez parler ? Avez-vous des projets d’écriture dans les tiroirs ?

 

Hervé Jubert

 

J’ai des projets, oui. En polar jeunesse, polar adulte, fantastique jeunesse. Je continue à me faire plaisir.

 

WAAD


Merci à vous en tout cas !

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