Plumorama

Plumorama : Nicolas Le Breton

Photographie par Marie Perrin

 
Aujourd’hui, Nicolas Le Breton nous parle de son écriture et du rôle important de l’inconscient. Une interview Plumorama à mettre sous le signe de l’inspiration !
 


 

What about a dragon ?

 

Bonjour Nicolas Le Breton !

 

Vous êtes l’auteur, aux Moutons électriques, de la saga Pax Germanica et de Sherlock Holmes aux enfers. Vous êtes également guide-conférencier, et avez mis en place récemment une visite de Lyon axée autour des thématiques de la sorcellerie de l’occultisme.

 

Merci donc d’avoir accepté de prendre le temps de répondre à nos questions dans le cadre de ce panorama des plumes de l’imaginaire !

 

Première question, je sais qu’elle est fréquemment posée en salon : est-ce que vous vivez de votre plume ?

 

Nicolas Le Breton

 

Non, ça n’est tout simplement pas possible pour moi, même en étant édité à compte d’éditeur et même si cela suppose une fourniture de manuscrits professionnels. Très peu de gens vivent de leur plume. J’ai fait des livres commerciaux, par exemple chez Ouest-France – que je ne renie pas – mais j’ai toujours considéré qu’il fallait que je fasse les livres les plus aboutis possibles et sans la moindre concession. Quand je sors un roman, je l’écris tel que je le conçois. André-François Ruaud, mon éditeur, me laisse une grande liberté dans l’expression. J’écris les livres dont je suis le plus fier. Il y a derrière une notion de commerce qui se greffe, bien sûr, et je m’adresse à un public, mais j’essaie précisément de l’emmener où je le souhaite.

 

WAAD

 

Est-ce que vous l’envisagez ou l’avez envisagé ? Est-ce que vous aimeriez bien ? Parce que j’ai l’impression que la réponse à cette question altère beaucoup le rapport qu’un auteur peut avoir par rapport à ces thématiques.

 

Nicolas Le Breton

 

Je n’aimerais rien tant que cela : obtenir suffisamment de revenus avec l’écriture pour ne pouvoir faire que cela. Ma vocation, c’est d’être écrivain. C’est un boulot à part entière, extrêmement prenant intellectuellement (c’est même une des disciplines les plus intellectuelles qu’on puisse imaginer avec la théorie pure). Écrire, c’est très intellectuel puisque c’est un aller-retour constant entre conscient et inconscient. Ce n’est pas une discipline académique. Il intervient une dimension d’inspiration.

 

WAAD

 

Récemment, on entend beaucoup parler du syndrome de l’imposteur. Pour résumer, il s’agit du sentiment d’illégitimité que peut avoir un artiste vis-à-vis de ses pairs et de son art lui-même. Est-ce que ça vous parle ?

 

Nicolas Le Breton

 

Non, pas du tout. Simplement dans le regard de certaines personnes, dans le regard de la société qui ne met plus beaucoup en valeur la figure de l’écrivain. Non que je souhaite que l’écrivain soit mis sur un piédestal, mais les gens peinent parfois à comprendre qu’un artiste veuille être rétribué pour ce qu’il fait. Passion ou pas, cela demande du temps, des sacrifices et c’est une question de rétribution. Cela dit, en tant que tel, je me sens parfaitement légitime dans mon rôle. Je me sens d’autant plus légitime que pour moi la création du récit c’est quelque chose de fondamental pour l’esprit humain. Il y a besoin de gens qui écrivent, qui créent des histoires.

 

WAAD

 

Qu’est-ce que c’est un auteur pour vous ? Et qu’est-ce qu’il faut pour être professionnel ?

 

Nicolas Le Breton

 

J’imagine que les deux sont vus sous des angles différents ? Le professionnel répond à un besoin, à une attente. L’auteur doit avoir une dimension supplémentaire. Il est obligé de passer par la case professionnel mais ensuite il doit transcender cela. Il doit arriver à développer son propre monde, son propre univers. Je place personnellement l’auteur au-dessus du professionnel.

 

WAAD

 

En ce moment, il y a en France, et un peu partout en Europe, un vrai mouvement de fond pour une meilleure reconnaissance de l’importance des auteurs dans le milieu du livre (pétition du SELF, développement de la Charte des auteurs jeunesse, etc.), est-ce que vous suivez ces mouvements / vous reconnaissez dans ces revendications / en êtes éloignés ?

 

Nicolas Le Breton

 

Je ne suis pas engagé parce que je me débats beaucoup dans ma propre vie. On a besoin de sous pour vivre. J’ai un job pour assurer mes arrières, les visites guidées qui marchent très fort mais qui présentent un risque financier, l’écriture… Je suis, comme beaucoup d’écrivains je pense, en train de nager de mon côté. Toutefois, quand il y a des initiatives, je signe, je donne des contributions financières, etc.

 

WAAD

 

Est-ce que vous vivez certaines situations comme des injustices en tant qu’auteur ?

 

Nicolas Le Breton

 

Oui, à commencer par le système qui fait que l’auteur est le dernier payé de la chaîne du livre, mais aussi la variable d’ajustement. De toute façon, des auteurs, il y en a plein. Le rapport de force devient positif quand on a un best-seller. C’est profondément injuste et cela limite la possibilité d’écrire, le temps qu’on peut y consacrer, etc. Moi je me sens fréquemment bloqué dans mon œuvre – parce que j’estime que j’ai une œuvre à écrire – parce que je suis tiraillé par d’autres choses. Une société qui ne donne pas les moyens à ses auteurs de vivre, comme elle peut donner des moyens (même si ça n’est pas encore la gloire) à ses scénaristes, c’est une société dans laquelle les auteurs ne peuvent pas se donner à 100% de leurs capacités. Ce sont donc des productions culturelles qui sont nécessairement moins vigoureuses, moins novatrices. Peut-être notre époque sera-t-elle d’ailleurs moins riches en chefs d’œuvre, même si c’est une perspective qui nous échappe ?

 

WAAD

 

Si on s’intéresse maintenant à l’écriture proprement dite, est-ce que vous suivez un processus d’écriture particulier quand vous créez ? Des horaires fixes, une cadence, quelque chose comme ça ?

 

Nicolas Le Breton

 

Quand je suis en chantier, je m’astreins à écrire tous les jours. Je vais beaucoup noter au réveil, après que le subconscient ait travaillé, trié les choses. J’essaie de me lever assez tôt, vers les 5h-6h du matin pour écrire avant de commencer une journée. Toutefois, si je pouvais, au niveau des contraintes matérielles, j’écrirais entre 17h et 20h, c’est là où je suis le mieux.

 

WAAD

 

Souvent on parle d’architectes, c’est-à-dire d’auteurs qui planifient leur roman de A à Z avant d’écrire, de jardiniers, qui laissent vivre leurs personnages, ou d’employés polyvalents (OK, celui-là est de moi), comment vous vous positionnez par rapport à cette question de la plus haute importance ?

 

Nicolas Le Breton

 

Clairement plus un architecte quand j’écris un roman. Et sans doute un peu plus jardinier lorsque j’écris mes – rares – nouvelles. J’aime toujours savoir où je mets les pieds. Je me laisse néanmoins de plus en plus d’espaces de liberté. J’avais un peu corseté l’écriture quand j’ai commencé, de manière rigide. Le risque c’est qu’on perd l’intérêt lors de l’écriture, on ne fait finalement plus que relier les points. Maintenant je travaille un peu différemment, je reste plus flou sur les contours. Dans Sherlock Holmes aux Enfers particulièrement.

 

WAAD

 

Si on parle de vos romans, de vos apparitions en salon, etc. on sent chez vous un certain amour du victorien (pour ne pas dire du steampunk). D’où cela vient-il ?

 

Nicolas Le Breton

 

C’est à la fois l’amour de Jules Verne, comme beaucoup de monde, et puis mes études d’histoire. Le XIXème siècle, je me suis toujours reconnu dedans. J’ai parfois l’impression d’avoir raté mon siècle. Pour moi le XIXème siècle se tient encore sur plein de points dont la littérature. C’est une époque très dure, chaotique dans son genre, mais il y a un esprit dans lequel je me reconnais.

 

WAAD

 

Pour terminer, et avant de vous remercier, avez-vous des choses à ajouter ou dont vous voudriez parler ? Avez-vous des projets dans les tiroirs ?

 

Nicolas Le Breton

 

J’ai un projet en cours dont je ne peux pas parler ! Ce sera plutôt orienté fantasy.

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